VIII

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VIII

Нац. библ., отдел рукописей

f. fr., nouv. acq. № 307–3048.

Plans et propositions de M. Boudin en faveur des pauvres.

На полях: lorsque le comit? sera form? il sera nomm? sur le champ une commission pour examiner le plan int?ressant de M. Boudin. Il lui sera donn? connaissance du present arr?t? en le priant de reunir jusqu’? ce moment les autres renseignements qu’il pourrait trouver sur le m?me objet. Au comit? le 11 Octobre 1789.

George d’Epinoy, Pr?sident.

Ce 9 Octobre 1789.

Messieurs,

Je regrette bien que l’ordre du jour reclam? par quelques membres de l’assembl?e ne m’ait pas permis de faire hier le d?veloppement de mes deux projets en faveur des pauvres de la capitale. — Je commencerai aujourd’hui une garde de 24 heures; je partirai mardi ou mercredi prochain au plus tard, pour un voyage de plus de 15 jours; et d’ici ? mon d?part je serai forc? de donner tout mon temps ? beaucoup de courses et d’affaires. Cependant je crois mes deux projets tr?s bons, indispensables m?mes; car nous venons d’?tre convaincus que ce n’est plus ni avec des canons, ni avec une garde nombreuse que l’on peut contenir le peuple manquant de subsistances; ce sera bien autre chose pendant l’hiver.

Je n’ai entendu faire aucune objection contre mon premier projet et je crois en effet qu’il n’en est pas susceptible. Il ne s’agit pas de forcer, mais d’inviter seulement les gens riches ? se charger de la nourriture et entretien d’un pauvre pendant six mois. Je suis bien persuad?, Messieurs, qu’il y dans la capitale beaucoup plus de citoyens dans l’opulence que dans l’indigence; autrement les premiers n’auroient pas un moment ? perdre pour se sauver. Et lorsque moi (qui ne r?unit pas beaucoup plus de 3000 1. de revenu avec ma place et mon patrimoine, et qui ai une femme et deux enfans), je me charge exclusivement de la nourriture et de l’entretien du premier pauvre qui se fera enregistrer au district, je ne vois pas que le nombre des pauvres puisse l’emporter sur celui des particuliers opulens? Proportion gard?e, la place Vend?me seule pourroit nourrir et entretenir tous les pauvres d’un district.

Je vous supplie donc, Messieurs de vouloir bien, dans le compte que vous devez rendre ? l’assembl?e de mes deux projets insister sur l’acceptation du premier qui peut, sur le champ, faire disparoitre la mendicit?, et ?ter au peuple tout sujet l?gitim? et m?me tout pretexte de m?contentement, seul moyen d’assurer l’existence des riches pendant cet hiver.

Vous voyez, Messieurs, que par ce premier projet il n’y auroit aucune administration, aucune caisse, aucun maniement de deniers, ce qui ?teroit tout pretexte de defiance et de soup?ons, de pr?dilection — chaque pauvre seroit surveill? — assur? de sa subsistance, il reprendroit courage; car lorsque je vois tous les capitalistes se donnent tant de mouvement pour augmenter leur fortune, il m’est impossible de croire que d?s qu’un malheureux est hors d’inqui?tude pour sa nourriture et son entretien, il perd tout aussit?t le gout du travail. Ce reproche n’a ?t? imagin? que par ceux qui cherchent des pr?textes pour se dispenser de faire l’aum?ne.

Dans le faubourg St. Antoine, dans le faubourg St. Marceau, dira-t-on peut ?tre, — il n’y aura pas assez de gens riches pour nourrir les indigens.

Je ne le crois pas, mais quand je me tromperois, ce ne seroit toujours pas une raison pour que dans tous les districts de Paris on n’y employ?t d’abord le premier moyen que je propose.

Si contre mon attente ce moyen ?tait insuffisant, alors on pourra passer aux Bureaux et aux atteliers de charit? contre lesquels on n’a pas form? nonplus aucune objection serieuse.

On nous a parl? des mesures de l’H?tel-de-Ville. Eh, Messieurs! qu’en pouvons nous attendre en faveur des pauvres, ? pr?sent qu’il a ?puis? tous ses fonds, puisque pour aides les boulangers d’un simple pr?t de 300 mille livres, il est oblig? d’avoir recours ? la triste ressource d’une souscription? Croyez-moi, mes chers concitoyens, ceux qui ne peuvent pas nous donner du pain pour de l’argent, ne seront jamais en ?tat d’en donner pour rien ? tous les pauvres de la capitale. On nous a dit aussi qu’en adoptant les Bureaux de charit?, il falloit rejetter de notre sein tous les pauvres des provinces. Si cela pouvoit s’executer, il ne nous resteroit pas beaucoup d’indigens car chacun sait que le plus grand nombre des habitants de Paris n’y ont pas pris naissance, — mais, Messieurs, je crois qu’un semblable triage auquel j’avois d’abord pens? seroit impraticable et dangereux dans la fermentation actuelle — il seroit m?me inhumain ? l’entr?e de l’hiver. Je me flatte de connoitre aussi bien qu’un autre, les ressources que les campagnes peuvent offrir aux indigents, mais le moment de les y repousser n’est pas encore arriv?, ainsi que vous pourrez vous en convaincre par la lecture de m?moire ci-joint sur les dessechements et les d?frichements.

Un honorable membre a voulu nous faire entendre aussi que les pauvres du Berry se nourrissoient et s’entretenoient avec presque rien. Il m’a paru que l’assembl?e me dispensoit de r?pondre a cette objections. Mais quand elle seroit fond?e, il n’en seroit pas moins vrai que nous sommes toujours dans l’indispensable n?cessit? de nourrir et d’entretenir les n?tres de mani?re ? les preserver de l’horrible extremit? [1] de nous arracher de force ce qu’ils n’auroient pu obtenir de notre humanit?, de notre premier int?r?t m?me celui de notre existence. Encore un mot sur les pauvres du Berry — il y en a beaucoup et la province n’est pas riche, ce qui peut r?tablir la proportion entre eux et ceux de la capitale.

Enfin j’ai aussi entendu un honorable membre proposer qu’en admettant les Bureaux de charit?, on supprim?t la qu?te des commissaires des pauvres et autres ?tablissements de ce genre, afin de tout r?unir dans la caisse du District — je suis bien du m?me avis; et j’ai cru que la chose arriveroit ainsi, parcequ’il est convenable d’appeller les cur?s aux Bureaux et aux atteliers que je propose d’?tablir.

J’oubliois encore une objection — c’est celle qu’on a tir?e des risques que nous avons couru par les atteliers de charit? de l’ancienne administration. Oh, rien de plus vrai, ces atteliers ?toient tr?s inutiles, tr?s dangereux. Mais les bureaux et les atteliers partiels que je propose d’y substituer n’y ont nulle ressemblance, nul rapport et par cons?quent cette objection tombe d’elle m?me.

A l’?gard des semestriers qui vont traverser la capitale et qui pourroient ?tre tent?s de s’y arr?ter, je ne crois pas que leur surveillance doive entrer dans la composition des Bureaux et des atteliers de charit?. C’est la un des objets qu’on doit abandonner au comit? de Police de l’H?tel-de-Ville, ou plut?t au comit? militaire.

Telles sont, Messieurs, les r?flexions que je vous supplie d’opposer aux objections qui m’ont ?t? faites. Je ne vous dissimulerai pas que j’ai la pr?somption de croire que mes deux projets sont tr?s salutaires et seuls capables de pr?venir les malheurs, dont nous sommes menac?s. Mais si l’assembl?e en juge autrement, elle n’a pas un moment ? perdre pour ex?cuter le projet qu’elle adoptera, j’y souscris d’avance. Car si je tiens ? mes id?es, je tiens encore davantage ? mon existence et ? celle de ma femme, de mes enfans et de mes concitoyens.

Je suis avec respect, Messsieurs,

Votre tr?s humble et tr?s eb?issant serviteur

Boudin.

Rue Basse du Rempart.