II

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II

Архив города Марселя (картон «Corporations»).

Marseille le 20 mars 1792.

A Messieurs le maire et officiers municipaux.

Messieurs,

Les ouvriers tonneliers se trouvent dans une position bien faite pour int?resser votre justice et votre humanit?. Ceux d’entre eux qui ne sont pas marseillais viennent d’?tre forcement cong?di?s de leurs ateliers ensuite d’une invitation officielle faite de votre part, messieurs, aux chefs des ateliers de donner la pr?f?rence aux ouvriers de cette profession qui sont n?s ? Marseille. Ces derniers ont sollicit? et surpris cette r?quisition, et ceux d’entre vous, messieurs, qui l’ont sign?e, n’ayant que les intentions les plus pures, ?toient loin de pr?voir les suites f?cheuses qu’un pareil ordre de choses pouvait entrainer. D?sque les marseillais ont ?t? certains que la note officielle avait ?t? pr?sent?e aux ci-devant ma?tres-tonneliers, ils se sont charg?s de la faire ex?cuter avec une rigueur et un appareil bien faits pour intimider les ma?tres et les ouvriers.

Ils ont ?t? de fabrique en fabrique expulser ceux qu’ils appellent les ?trangers et qui se piquent pourtant d’?tre aussi bons fran?ais qu’eux, faire cesser le travail et annoncer aux ma?tres qu’ils feraient le lendemain une autre tourn?e pour voir si les ouvriers fran?ais n’?taient pas employ?s.

Les ma?tres ont c?d? ? regret; mais autant par d?ference pour vous, messieurs, que par crainte de se compromettre ? une semonce faite de telle mani?re qu’elle ne laisse pas la facult? de delibrer. Ils ont ?t? oblig?s de cong?dier des ouvriers paisibles et honn?tes, dont ils ?taient satisfaits; et ceux-ci se trouvent comme on dit vulgairement sur le pav?, sans moyens pour vivre et encore plus pour retourner dans leur pays. Ils se sont pr?sent?s ? vous, messieurs, et ils ont eu l’honneur de vous faire ? ce sujet leurs respectueuses observations. Vous en avez senti la justice, et en les exhortant ? la paix vous avez bien voulu leur faire esperer que les ma?tres tonneliers seraient avis?s que l’invitation qui leur a ?t? faite, n’?tait pas un ordre rigoureux, qu’ils pouvaient en temperer l’ex?cution, et donner cette pr?f?rence, sans exclusion des autres ouvriers fran?ais qu’il n’?tait pas juste de reduire, ? la mis?re et au desespoir. Mais la publicit? donn?e ? votre recommandation et l’effet qu’elle avait d?j? produit depuis le 19 de ce mois rendent inefficace le moyen que vous avez bien voulu employer. Les ouvriers de Marseille et les chefs d’atteliers persistent les uns dans leur systeme exclusif, les autres dans une resolution prise ? regret mais qui s’allie avec leur circonspection. Le mal est au comble, messieurs, si vous de daignez venir au secours d’une classe d’hommes nombreuse, utile et infortun?e qui n’a pas moins de droit que les autres ? la protection de la loi, et des magistrats du peuple. Il n’appartient pas aux exposants de vous indiquer les moyens de reparer la surprise: mais s’ils osent hazarder leur id?e, iis diront qu’il n’y a qu’une proclamation sage et paternelle, telle que tout ce qui emane de votre vigilante sollicitude, qui rappellent les ouvriers marseillais ? l’ordre rassure les ma?tres et les exposants, ne rappellant ? tous que l’union, l’?galit? des droits, et une libert? legale sous les bazes de la constitution ainsi que du bonheur public. Daignez leur expliquer, messieurs, que pr?ferer n’est pas exclure et sacrifier des citoyens qui n’ont pas d?m?rit?, que dans l’interpretation abusive et arbitraire qu’on se permet de faire de votre avis donn? aux ci-devant ma?tres tonneliers, on est all? si loin de votre intention, que des ouvriers citoyens actifs mari?s ? Marseille, ?tablis depuis longues ann?es ont ?t? cong?di?s sans piti?, sous pr?texte qu’ils n’?taient pas marseillais, et ? coup s?r, messieurs, vous n’avez jamais entendu prononcer une telle proscription.

Consid?rez que tous les citoyens de l’empire sont libres et ?gaux en droits, que la loi n’admet d’autres distinctions que celles des talens et des vertus, qu’en effa?ant des mots de la lanque celui de privil?ge, ce serait en quelque sorte le ressusciter si dans chaque ville les ouvriers qui y sont n?s avaient ? eux seuls le droit d’y travailler. La r?volution a fait un peuple de fr?res de tous les fran?ais en abolissant la distinction du hazard de la naissance, la loi a voulu faire dispara?tre non seulement les titres que des hommes vains croyoient tenir de leurs ayeuls mais encore les pr?rogatives locales, les pr?f?rences citadines, qui n’?taient pas moins incons?quentes que les privil?ges, et qui dans le fait ne sont pas autre chose. Consid?rez encore, messieurs, que dans une ville de commerce qui appelle ? soi les bras et l’industrie, rien ne serait plus impolitique et pr?judiciel que celle esp?ce de monopole personnel, qu’il faut que les ouvriers y refluent de toute part sans quoi les domicili?s deviendraient les despotes des manufactures et des atteliers, et qu’ils pourraient mettre ? leur travail le prix le plus excessif ou les conditions les plus dures. Ce droit fait aux ouvriers tonneliers marseillais, allarme toutes les classes des ouvriers des autres d?partements qui sont en si grand nombre ? Marseille. Ils craignent avec raison les m?mes pr?tentions de la part des compagnons de leurs travaux et les esprits sont ? ce sujet dans un ?tat d’inqui?tude qu’il est de votre sagesse d’appaiser.

Les exposants ob?iront ? tout ce que vous leur prescrirez, mais les uns doivent aux chefs d’atteliers, les autres ? divers fournisseurs, faut il bien qu’ils puissent trouver dans leur travail le moyen de s’acquitter.

Oblig?s de se rendre chez eux, comment pourraient-ils le faire sans moyens, ni ressource. La situation de l’homme laborieux et affam? par le besoin est dechirante, lorsqu’il se voit priv? du travail qui seul le fait subsister.

Enfin, messieurs, s’il faut que les exposants s’?loignent de Marseille, daignez venir ? leur secours. Ils mettent en vous, messieurs, leur confiance, et leur sort ils attendent vos ordres et ils esp?rent de votre justice que jamais vos resolutions ne pourront contredire les droits de l’homme et la v?u de la loi.

(Подписи).