VII

VII

Нац. арх.

С. 279.

Письмо Ролана.

18 ноября 1792 г.

Paris le 18 novembre 1792, l’An 1-r de la R?publique fran?aise.

Un citoyen au Pr?sident de la convention Nationale.

Je me d?pouille du titre de Ministre, parce qu’il sert ? faire mettre des entraves ? la Libert? de l’homme ? qui il est donn?; parce que je crois utile ? la chose publique d’user en ce moment de tout le droit du citoyen et de l’homme libre pour attaquer des pr?jug?s, dont les effets seroient funestes ? la France.

Le comit? d’agriculture et de commerce a pr?sent? un projet de d?cret que me font croire tr?s nuisible quelqu’experience en administration, des voyages en Europe pour y ?tudier le g?nie des nations leurs relations commerciales et tr?s particuli?rement la naissance et le progr?s de cet esprit qui veut et doit faire, des int?r?ts priv?s — les ?l?ments de l’int?r?t public. Tout et l’histoire d’Angleterre, et la n?tre propre, et les grandes vues de Turgot et les erreurs d?sastreuses de Necker, tout prouve que le gouvernement ne s’est jamais m?l? d’aucun commerce, d’aucune fabrique, d’aucune entreprise, qu’il ne l’ait fait avec des frais ?normes en concurrence avec des particuliers et toujours au pr?judice de tous; que toutes les fois qu’il a voulu s’entrem?ler dans les affaires des particuliers, faire des r?glements sur la forme sur le mode de disposer des propri?t?s, de les modifier ? son gr? il a mis des entraves ? l’industrie, fait ench?rir la main d’?uvre et les objets qui en sont r?sult?s.

L’objet des subsistances est dans ce cas plus particuli?rement qu’aucun autre parcequ’il est de premi?re n?cessit?, qu’il occupe un grand nombre d’individus et qu’il n’en est pas un seul qui n’y soit int?ress?. Les entraves annoncent, appellent, pr?parent, accroissent, propagent la d?fiance; et la confiance est le seul moyen de faire marcher une administration dans un pays libre. La force — quelque moyen coactif qu’on imagine — ne sauroit ?tre employ?e que dans les convulsions dans les momens violens et irr?fl?chis, mais dans une suite de travaux dans une continuit? d’op?rations, l’emploi de la force n?cessite la continuit? de son usage; elle en ?tablit le besoin, elle le multiplie et l’aggrave sans cesse; de mani?re que bient?t il faudrait armer la moiti? de la nation contre l’autre. Tel sera toujours l’effet des d?crets qui auront pour but de contraindre ce que la justice et la raison veulent et doivent laisser libre.

Or, toute d?claration exig?e et fait de subsistances sp?cialement sera fausse et n?cessitera la violence: tout ordre de porter ?a o? l?, en telle ou telle quantit?, de vendre en tel lieu et non en tel autre, ? telle heure aux uns, ? telle heure aux autres; tout, ce qui ?tablira la g?ne tendra ? l’arbitraire et deviendra vexatoire. Le propri?taire s’inqui?te d’abord, se d?go?te ensuite; il finit par s’indigner, le peuple, alors peut s’irriter et se soulever. La source des prosp?rit?s seroit tarie, et la France deviendroit la proi d’agitations longues et cruelles. C’est une arme terrible dont les malveillans ne tardent pas de s’emparer, qu’un decret qui porte avec soi la contrainte et laisse ? la violence de le diriger. D?j? celui du 16 septembre dernier qui ordonne le r?censement des grains et autorise l’emploi de la force pour son ex?cution, r?pand l’allarme et favorise les emeutes. Encore une entrave, encore une provocation de l’autorit? pour la soutenir, je ne connois, je ne con?ois plus de puissance humaine capable d’arr?ter les d?sordres.

On ne se repr?sente pas assez, qu’en administration, en l?gislation, comme en m?chanique, la multiplicit? de rouages g?ne les mouvemens, retarde ou diminue l’effet. Faute d’un plan raisonn? fond? sur l’histoire des faits, sur le r?sultat des combinaisons, sur la somme des moyens moraux et physiques, un code se trouve charg? d’articles dont les uns sont destin?s ? rectifier les autres. Il s’en suit une complication susceptible de commentaires et l’ex?cution devient ?galement difficile et hazardeuse. Les inconv?nients de cette nature sont infiniment graves, dans la l?gislation des subsistances, qui devient alors un arsenal d’armes meurtri?res que saisissent tous les partis.

Pr?sident de la repr?sentation d’un grand peuple, montrez que le grand art est de faire peu et que le gouvernement, comme l’?ducation, consiste principalement ? pr?venir et emp?ch?r le mal d’une mani?re n?gative pour laisser aux facult?s tout leur d?veloppement; car c’est de cette libert? que d?pendent tous les genres de prosp?rit?. La seule chose peut-?tre que l’assembl?e puisse se permettre sur les subsistances c’est de prononcer qu’elle ne doit rien faire qu’elle supprime toute entrave; qu’elle d?clare la libert? la plus enti?re sur la circulation des denr?es; qu’elle ne determine point d’action; mais qu’elle en d?ploie une grande contre quiconque attenterait ? cette libert?. La gloire et la s?ret? de la convention me paroissent attach?es ? cet acte de justice et de raison, parcequ’il me semble que la paix et le bonheur de la nation en d?pendent.

J’abonde en motifs: le temps et l’espace sont trop courts; mais je joins ici des observations que j’ai cru devoir adresser ? la commune de Paris avec la proclamation du Pouvoir Ex?cutif et ma lettre d’envoi de cette proclamation ? la convention elles concouriront ? d?velopper mes id?es. Elles m’ont paru m?riter assez d’attention pour ?tre ?tonn? que le comit? charg? d’un projet auquel sont int?ress?es les destin?es de la France, se soit ?loign? de m’entendre sur une partie d’administration dans laquelle il importe autant de recuillir les vues, de peser les raisons pour se garantir de l’erreur et n’?tre pas expos? ? des m?prises.

Je soumets ? la sagess?e de l’assembl?e mes repr?sentations sur le sujet de mes plus importantes sollicitudes: je les lui dois comme citoyen et c’est ? ce titre que je lui en fais hommage.

Roland.